Entretien avec Myriam M�zi�res

L��criture... Ce n�est pas une premi�re exp�rience...
Non, il y a eu "Le journal de Lady M" et j�avais d�j� co-sign� "Une Flamme dans mon Coeur". "Fleurs de Sang", c�est un sc�nario que j�ai �crit. Je faisais lire certains passages � Alain mais � l��poque, nous n�avions pas l�intention de travailler ensemble sur ce projet. Je l�ai d�ailleurs �crit en espagnol, cela se d�roulait � Madrid. Cette histoire �tait en moi depuis longtemps, je la visualisais parfaitement. Impossible d�en laisser la r�alisation � quelqu�un d�autre...

Et apr�s l��criture ?
J�ai tout de suite trouv� une production espagnole, tr�s int�ress�e. Malheureusement, en Espagne, je suis une actrice connue ! Ils �taient partants, � condition que je garde mon statut de com�dienne, que je joue le r�le de Lily et abandonne la r�alisation � un metteur en sc�ne de leur choix. J�ai refus� ! Je voulais le contr�le de mon film, de mon histoire. Au bout d�un certain temps, Alain, qui me voyait me d�battre, est entr� en piste.

   

Comment ?
Avec Paulo Branco. lls m�ont dit que si j��tais pr�te � faire le film en fran�ais, � Paris, ils m�aideraient � le monter. J�ai donc annul� les engagements pris en Espagne, pour faire le film ici. J�ai gard� certaines sc�nes, le festival Agro-�rotique pr�s de Valence notamment, pr�vues l� bas. Cette manifestation existe r�ellement, j�y ai particip�. Je suis rest�e en tr�s bons termes avec l�Espagne, Messidor Films. Ils sont d�ailleurs entr�s ensuite dans la production.






      

Comment �a s�est pass�, concr�tement, sur le tournage� avec Alain ?
J�avais fait un story-board, de mon film. Je n�ai pas fait d��cole de cin�ma. Je savais qu�artistiquement, Alain Tanner �tait le seul � pouvoir me comprendre, en tant que personne et artiste... m�me si l�on dit souvent que la co-r�alisation est un enfer ! Bien que j�ai story-board� le film, c��tait ma premi�re r�alisation et je joue dedans, ce qui ne simplifie pas les choses. Cela me semblait importantqu�il le co-dirige. C�est toujours tr�s d�licat, mais... qui d�autre qu�Alain ? Il n�y a qu�avec lui que je pouvais le faire. Bien que nous soyons diff�rents, il me conna�t tr�s bien.

Le story-board, il ne voulait pas en entendre parler ! Moi, �a me permettait de poser les probl�mes... plantearme las problemas... m�me si nous avions des fa�ons tr�s diff�rentes de les r�soudre ! Dans les sc�nes o� je joue, il �tait plus pr�sent, tout en me laissant une grande libert�. Sur les autres sc�nes, il restait discret. Nous sommes all�s tr�s vite. Six semaines de tournage au lieu des huit pr�vues initialement. Cela convenait aussi � Alain. Et puis, j�ai d�couvert qu�il aimait bien �tre bouscul�, provoqu�... ce film, c�est aussi �a. Une force, une jeunesse.

Vous disiez " cette histoire �tait au fond de moi depuis longtemps ". Comment est n�e Lily ?
Les histoires naissent de nos exp�riences. Ensuite, l�accent est mis, plus ou moins, sur l�autobiographie mais je crois qu�� moins d�une adaptation, tout na�t de notre v�cu. La vie artistique est une antidote, une vie r�v�e. Une dynamique, finalement. Je ne suis pas Lily. Ni alcoolique, ni � la d�rive. Le personnage qui m�est le plus proche, c�est Pam, dans son histoire et dans ses traits de caract�re. Bien s�r, je ne pouvais pas la jouer... elle a 9 ans puis 14 ans, dans le film ! Elle est sauvage et libre. Une fra�cheur, une telle force, qu�Alain d�ailleurs a tr�s bien capt�. Une source fra�che, qui traverse ces situations parfois sordides.

C�est mon caract�re. Une fourmi obstin�e. Elle apprend � lire dans le dictionnaire, elle n�a pas �t� en classe... Une force de survie. Dans la premi�re partie du film, c�est plut�t elle, ce petit bout de femme, qui est la m�re. Puis la cassure des cinq ann�es au pensionnat et un autre personnage se r�v�le. Pam et Lily ont soif d�absolu, elles ne savent pas jouer ni transiger avec les r�gles de la soci�t�. Quand Pam est s�par�e de sa m�re... elle reporte son affection sur un homme plus �g�. Elle se met accidentellement dans une situation tragique, par trop d�amour. Tout bascule.

   

J�aime quand il y a un suspens des �mes... J�ai une grande passion pour Graham Greene. Ce film est finalement un thriller psychologique ! J�aime une histoire o� l�action avance parce que les personnages �voluent, qu�ils ont des urgences. Au moment d�"Une Flamme dans mon Coeur", un journaliste a �crit "finalement, le suspens de cette histoire, c�est de savoir combien de temps un corps est habit� par l�autre, litt�ralement et dans tous les sens". Il avait raison.

   

J�aime ces personnages. Blanche, dans "Un tramway nomm� D�sir"... June, d�crite par Ana�s Nin dans son journal. Aucun bon sens, ne pas savoir dealer avec la r�alit�. Au d�but, tout est brillant, glamourous, presque sur le ton de la com�die. Mais le film montre comment l��clat se ternit. C�est �a ma r�volte, la toile de fond de cette histoire.

   

Ce personnage, vous l�avez nourri de vous-m�me. Le cabaret, c�est votre vie ?
Oui, bien s�r, mais je ne suis pas chanteuse dans le film. Il y a trois titres qui sont de moi. J�interpr�te la chanson du g�n�rique de fin, Flores de Sangre, co-sign�e avec Matthew Russel. Le titre de la bo�te cubaine Ser una Chica, je n�ai pas souhait� l�interpr�ter. Cela ne se justifiait pas. Marc Vorchin (Mambo Mania ; Mosquito) l�a arrang� et c�est un chanteur cubain qui l�interpr�te dans une version tr�s diff�rente de la mienne.

Et l��rotisme ?
C�est un monde tr�s clich�. J�ai d�avantage travaill� sur le corps de la femme... Lily a une formation de danseuse orientale, ce qui est mon cas, mais ses num�ros restent assez na�fs. C�est ce qui la pousse dans la marge.





      

Cette sc�ne dans la bo�te de strip, le Chan Chan, est tr�s r�v�latrice de Lily. Elle fait preuve d�une belle force de caract�re.
Cette sc�ne a une histoire. Alcudia, le festival agro-�rotique, se d�roule dans un contexte rural, sans ghetto ni tabou. C�est un atmosph�re ludique. Il y a des enfants, des gens de tous �ges, plus ou moins branch�s. Cette manifestation est authentique.

Le strip dans la bo�te, c�est autre chose. A l�origine, il y avait une premi�re partie que nous avons coup�e, o� Lily doit danser sur de la techno; elle arrive comme un cheveu sur la soupe en remplacement d�une autre danseuse. C�est un d�sastre ! Elle est d�sar�onn�e, s�emp�tre dans ses voiles, un cauchemar. Puis, elle prend le dessus... fait un happening moderne, gifle un spectateur et crache du feu. Elle touche son public en lui proposant quelque chose de diff�rent. Elle devient comme un animal de sc�ne, avec toute la force du d�sespoir. Parce qu�elle n�a plus rien � perdre.

Le film mise sur cela. En d�pit de cette violence morale, d�stabilisante, il cherche sa source. Une fra�cheur, une authenticit�.